La filière e-fuel a besoin de 3% de l’électricité française pour exister

Les biocarburants commençant à montrer leurs limites pour décarboner l’aviation ou  le maritime et une filière e-fuel tente d’émerger dans les grands pays industrialisés. Dans l'Hexagone, le bureau français des E-fuels mène un travail de lobbying auprès des pouvoirs publics pour obtenir la part d’électricité bas carbone indispensable au développement de la vingtaine de projets à l'étude.

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La filière e-fuel a besoin de 3% de l’électricité française pour exister
Pour trouver des financements, des projets d'e-kérosène comme BioTjet d'Elyse Energy, doivent sécuriser l'accès à suffisamment d'électricité décarbonée à un coup compétitif.

Il commence à y avoir consensus sur la question : Il n’y aura pas assez de biomasse pour sortir des énergies fossiles les secteurs impossibles à électrifier, comme l’aérien ou le maritime. Il n’y aura pas non plus assez d’huile de cuisson ou de graisses animales pour produire du carburant aérien durable (SAF). Même si l’option hydrogène fait son chemin, elle nécessite de développer de nouvelles propulsions, et de nouvelles infrastructures. Une alternative réside dans la production de gaz et carburants de synthèse, e-méthanol, e-kérosène, à base d’hydrogène, d’ammoniac vert, de CO2 (si possible biogénique) et d’électricité bas carbone. Elle permet d’utiliser l’existant.

Une filière pour produire ces carburants de synthèse émerge. L’observatoire international des e-fuel, réalisé par le cabinet Sia Partners pour le Bureau français des e-fuels, comptabilise 77 projets de taille industrielle (de plus de 200 000 ktep/an) dans le monde, dont 66 de production d’ammoniac sur tous les continents, cinq d’e-méthanol utilisable pour le transport maritime, cinq d’e-kérosène ou d’e-diesel pour l’aviation ou le transport routier, et un projet hybride e-méthanol et e-kérosène, en Chine. Aucun n’est en France. Les 24 projets français cours d’étude ou d’ores et déjà opérationnels, dont sept d’e-méthanol ou d’e-kérosène, sont de taille beaucoup plus modeste. À l’horizon 2030, les projets pourront produire chaque année 528 ktep d’e-kérosène, e-méthane et e-méthanol, pour des investissements estimés à 3,6 milliards d’euros. Ils permettraient la création de près de 3000 emplois directs ou indirects.

Besoin d'électricité à prix compétitifs

Encore faut-il lever les derniers verrous technologiques pour passer à l’échelle des procédés fonctionnant en laboratoire, et trouver des financements.  À Lacq (Pyrénées-Atlantiques) le projet d’e-kérosène d’Elyse Energy représente un investissement de plus d’un milliard d’euros.  Et celui production d’e-méthanol sur la plate-forme chimique de Riche Roussillon en Isère, 700 millions d’euros. Celui porté par SAF+ et H2V à Marseil-Fos (Bouches-du-Rhône) « doit déposer sa demande d’autorisation cette année, l’obtenir en 2025, décrocher les financements en 2026, être construit en 2028 et mise ne service d’ici à fin 2028 », si tout va bien, explique Cédric de Saint-Jouan, président du groupe Vol-V et porte-parole du Bureau français des e-fuel.

Ce bureau n'est pas une association ou un syndicat professionnel, mais un groupe d’une centaine des personnalités impliquées dans les carburants de synthèse qui s’est constitué en juin 2023, pour «mettre la problématique des e-fuel sur le devant de la scène et faire des propositions aux pouvoirs publics», explique Cédric de Saint-Jouan. Le principal problème de cette filière naissante est de se faire entendre de l'État sur la question énergétique. Le bureau estime à 14 TWh, soit 3% de la production nationale d’électricité, à des tarifs compétitifs, ses besoins pour faire émerger des premiers projets e-fuels et constituer un pôle d’expertise nationale.

Et de beaucoup de CO2 biogénique

Il souhaite aussi que le gouvernement planifie le développement des capacités de production pour répondre aux exigences de Bruxelles qui prévoit un taux d’incorporation d’e-fuel dans les carburants aériens de 5% en 2035 et 35% en 2050. Le lobby devra aussi s’attaquer à l’épineux problème de son approvisionnement en CO2 biogénique, et donc entrer dans le débat de l’affectation des ressources en biomasse. «C’est le deuxième sujet du moment, mais qui oblige à entrer dans les problématiques de séquestration du carbone et de la réutilisation du CO2, qui sont des sujets très mouvants», explique Cédric de Saint-Jouan. Une des pistes serait de capter le CO2 émis par les chaudières biomasses. Mais rien n’est encore clairement défini. C’est pourtant l’autre point bloquant pour la filière.

 

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