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Alizée Delpierre : "Beaucoup de domestiques sacrifient leur vie personnelle pour leurs employeurs"
Une femme passe l aspirateur sur le tapis rouge avant la ceremonie de passation de pouvoir au ministere des Affaires Etrangeres et Europeennes entre le ministre sortant Alain Juppe et le nouveau ministre Laurent Fabius.
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Alizée Delpierre : "Beaucoup de domestiques sacrifient leur vie personnelle pour leurs employeurs"

Grand entretien du jeudi

Propos recueillis par

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Docteure en sociologie, Alizée Delpierre est spécialiste de la domesticité, notamment chez les classes supérieures très fortunées. Elle fait paraître « Servir les riches » (La Découverte), une enquête passionnante qui nous plonge dans un univers méconnu, celui des bonnes, des majordomes et des employeurs excentriques.

Marianne : Dans l’imaginaire collectif, la figure du domestique renvoie au XIXe siècle, aux romans de Balzac ou de Mirbeau et à l’essor de la bourgeoisie. Pourtant, votre livre montre que la domesticité est encore une réalité au XXIe siècle. À quoi ressemblent les domestiques d’aujourd’hui ?

Alizée Delpierre : Il y a à la fois une rupture et une continuité avec les domestiques du XIXe siècle. Au tournant du XXe siècle, il était encore possible d’avoir quelqu’un à son service sans pour autant être riche. À cette époque, les niveaux de vie étaient moins élevés et celles que l’on appelait les « bonnes » étaient peu payées. Les classes supérieures, aristocratie ou grande bourgeoisie, avaient plusieurs domestiques à leur service à temps plein.

Après la Seconde Guerre mondiale, la société s’est transformée. Les femmes ont eu accès à d’autres métiers que ceux de la domesticité et il est devenu préférable d’être autre chose que femme au foyer. Aussi, le niveau de vie a augmenté : avoir un domestique chez soi coûtait dès lors plus cher. Ensuite, il y a eu une évolution des mœurs : avoir quelqu’un chez soi qui nous sert dans l’intimité du domicile est de moins en moins accepté. Le marché de la domesticité est donc progressivement devenu un marché à temps partiel, celui des femmes de ménage et des gardes d’enfant principalement. Enfin les domestiques eux-mêmes ont changé. Au début du XXe siècle, les « bonnes » sont, pour beaucoup d’entre elles, des personnes blanches, issues des campagnes françaises, par exemple de Bretagne, qui ont côtoyé d’autres femmes issues quant à elles de l’immigration polonaise. Dans les années soixante, ce fut le tour des femmes portugaises et espagnoles.

Aujourd’hui, ce sont des femmes issues de l’immigration maghrébine et d’Afrique subsaharienne qui sont majoritaires. Le XXIe siècle se caractérise par l’intensité des flux transnationaux de domestiques, sans doute jamais égalée jusqu’à présent, reflet de l’accroissement des inégalités mondiales contemporaines.

Les domestiques sont à la fois les victimes et les bénéficiaires de certains préjugés ethniques. Quels sont les préjugés les plus répandus et pourquoi certains domestiques les entretiennent-ils ?

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne