Crise du recrutement en restauration, comment faire pour renverser la table ?

Le constat est sans appel : L’effectif de l’hébergement-restauration passe de 1 309 000 à 1 072 000 entre février 2020 et février 2021. Il recule donc de 237 000 alors qu’il croît de l’ordre de 50 000 par an au cours des 2018 et 2019.

Ce repli marqué s’explique essentiellement par le moindre recrutement de nouveaux salariés : ils ne sont que 213 000 à avoir rejoint ce secteur entre les mois de février 2020 et 2021, soit presque moitié moins qu’un an auparavant 436 000. Dans le même temps, 450 000 salariés quittent l’hébergement- restauration, contre 379 000 un an plus tôt*.

Dans ce contexte, à la sortie de l’été 2021, les difficultés de recrutement se sont nettement accrues. La solution de la défiscalisation des pourboires est une goutte d’eau dans cet océan de problématique, d’autant plus que le peuple français est le plus pingre de cette coutume.

Pour trouver des solutions à une profession mal aimée car mal comprise, il est primordial de penser différemment, parfois lutter et surtout mettre en avant les établissements aux initiatives exemplaires pour qu’elles deviennent le modèle de toute une filière. Pour renverserez la table, sur quoi la profession peut-elle communiquer ?

Les horaires de travail :

La pandémie a provoqué chez de nombreuses personnes, l’envie de moins travailler quel que soit le secteur d’activité et l’hôtellerie restauration est réputée pour être un métier « où l’on fait beaucoup d’heures ». Pour combattre cette idée reçue, il faut à la fois communiquer en transparence sur la réalité des heures faites par vos équipes et aider les autres dirigeants à organiser le travail différemment car il existe encore de nombreuses entreprises où les horaires sont régulièrement dépassés, falsifiées, et pas assez compensés.

Mais elles ne sont qu’une poignée, les associations, les regroupements de restaurants, de chefs doivent par exemple dans leurs annonces de recrutement préciser les heures travaillées et les jours de fermetures des maisons pour créer de l’intérêt et il est nécessaire de mettre en place des plans de communication pour rassurer.

Le sens, les engagements, et le management :

Historiquement le management de ce secteur est basé sur deux grands principes : la culture de l’exemple : je te montre, donc tu reproduis alors tu « apprends », et la culture militaire : si tu reproduis bien, tu montes en grade. Deux principes qui ne correspondent plus aux attentes des deux dernières générations qui recherchent du sens dans leur vie professionnelle, de s’assurer que les valeurs de l’entreprise correspondent à leurs convictions et ils et elles attendent de leurs dirigeants qu’ils mettent en avant leur leadership au service de l’intelligence collective.

Pour relever ce défi, il faut à la fois définir la signature de son entreprise pour la rendre unique et créer un mouvement collectif au sein de son entreprise pour baliser intégration et progression métier. Pour ce faire, il est nécessaire que les dirigeants acceptent d’autres méthodes de développement de leur entreprise car dans ce secteur plus qu’ailleurs il passera par les femmes et les hommes qui le composent.

La rentabilité :

Notre pays par le passé avait une vocation de secteur industriel, il est devenu un pays du tourisme et de divertissement. La rentabilité de ces deux secteurs n’est pas la même et l’hôtellerie restauration pour produire utilise une main d’œuvre importante qui doit être disponible à certaines périodes compte tenu que c’est une consommation de l’instant. Alors que la TVA est à 10 %, le manque de rentabilité est toujours présent dans de nombreuses entreprises :  d’abord par des loyers trop élevés où les richesses produites payent les propriétaires au lieu d’être redistribuées aux salariés.

Enfin, les achats ne sont toujours pas ou peu organisés et font perdre de nombreuses marges, enfin les prix pratiqués ne sont pas assez élevés. En conséquence, l’ensemble de ces variables maitrisées feront que les équipes demain gagneront mieux leur vie et resteront plus fidèles à des enseignes qui auront une culture de l’épargne et une qualité de leur investissement.

La reconquête

Les parents déconseillent à leurs enfants d’aller dans cette profession « trop d’heures, trop dure..etc.. » ou pire parce qu’ils pensent que leur progéniture pourra toujours finir cuisinier, femme de chambre ou serveur s’ils ont ratés médecine ou plomberie. Car collectivement, nous pensons que cette profession fait partie des petits boulots, accessibles à n’importe quel moment de sa carrière.

Il est nécessaire que les professionnels prennent la parole et s’investissent de nouveau. D’abord dans les écoles hôtelières, où ils sont de plus en plus, les grands absents, à la fois pour prendre la parole ou pour aller à l’examen sous prétexte que la génération est trop nulle et qu’à leur époque « c’était mieux ». Pour ralentir le phénomène du peu de prétendants aux écoles hôtelières qui en plus quittent la profession au bout de deux ans, il est important que les grands noms consacrent du temps, refont naître la niaque et l’envie pour les nouveaux apprenants et leur prédisent un avenir radieux.

Pour continuer à servir à table, il est temps de la renverser.

Plus de précision sur *[Etude]

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